Moha Oukziz, France, le 3 mars 2015
Le passage d’Elkhalfi, Ministre de la communication et Porte-parole du Gouvernement au Maroc, sur les ondes d’Europe 1, le 26 février dernier, a été
une illustration fort intéressante des réalités politiques dans le pays, le Maroc. Le Ministre a été la manifestation même du ridicule du gouvernement, de sa fragilité face aux réalités saillantes que ce même ministre a estimé d’un trait de langue (c’est clair, je suis clair) et de par son silence, ombrer sans succès face au journaliste, Emmanuel Faux, qui n’a fait que son job. Pour ceux et celles qui font ce beau métier d’animer les émissions d’opinion sur les ondes, ils voient de suite et sentent le Ministre de la Com. pas droit dans ses bottes. Il a été déstabilisé, et il n’était pas à l’aise dans un des plus beaux studios de la Radio en France. Il aurait profité de ce bijou et de la présence journalistique excellente pour œuvrer au dialogue. En ce sens je ne regrette rien. En revanche, la question n’est pas simplement celle des compétences discutables en la matière du Ministre. Ce même ministre ne peut pas engager un travail d’information serein et respectueux des auditeurs face aux questions relevant des réalités politiques d’un régime antidémocratique. Mission très délicate face à la liberté de parole du journaliste. Sur le fond, le Ministre ne peut pas répondre et satisfaire la vérité d’informer sur des sujets chauds tel la torture pratiquée par les administrations relevant du ministère de l’Intérieur et de la Justice. Et le Ministre le sait, bien évidemment. En effet, le Ministre porte -parole du gouvernement, ne peut guerre se cacher derrière son petit doit, ou derrière ses petites lunettes, ou encore et surtout derrière son petit mot : «systématique», pour nier ou camoufler l’existence belle et bien des pratiques de torture dans les centres de détentions; et que cette même torture accompagne toutes les étapes des procédures pénales et civiles. Il est certain que depuis l’arrestation, l’enquête, la garde à vue, jusqu’à la détention et après la condamnation, le vécu des détenus politiques ou de droit commun, montre que les administrations pénitentiaires et les centres de police et de gendarmerie sont des lieux de non droit. Et les citoyens marocains craignent ces lieux. Ces administrations sous ordre des pouvoirs règlementaires et autres, ne sont pas tenues d’aucun respect aux principes fondamentaux de la dignité humaine, le droit de la défense, la présomption d’innocence, le procès équitable impartial, l’impartialité et autonomie du juge, l’égalité des armes entre la personne poursuivie et la défense d’une part et le Ministère public, le droit à être jugé dans un délai raisonnable, le droit de la sureté physique de la personne poursuivie, la preuve au Maroc pèse surtout sur la victime et/ou la personne poursuivie et non sur le Ministère public, ce dernier doit renverser la présomption d’innocence, le droit de silence n’est pas signifié aux personnes poursuivies et gardées à vue etc. Je renvoie les lecteurs aux témoignages accablants des détenus et au livre co-édité récemment par Med Ghaloud, Med Fetal, Med Zeghdidi et Ibrahim Saidi, «Les Tortionnaires », imprimerie Rabat Net, dépôt légal n° 2014MO0198. Face à cette réalité que tout marocain lambda connait, le Ministre de la Com. ne peut être que perturbé et a cherché refuge dans des expressions de quelques phrases où il s’est piégé lui même. Au delà de la forme de la présence officielle de Mustapha EL khalfi en tant que «la bouche du gouvernement», ce passage médiatique en France est évidemment catastrophique pour le régime, mais il est bénéfique pour l’opinion publique française. Le peuple français s’est rendu encore une fois que le régime en place pratique la torture, hier comme aujourd’hui. Les années de plomb continuent. Tout l’édifice médiatique conçu autour du dit changement «démocratique» au Maroc par la propagande officielle s’est effondré ce jour là. Peut être pas complètement. Le Ministre de la communication a bien porté le visage crispé et déstabilisé du régime au long des 11 minutes qui lui sont consacrés sur les ondes. La stature, le gestuel, le regard et les réactions du ministre renvoient à un pouvoir absolu lequel refuse tout questionnement et a tenu maladroitement la discipline ordonnée de «circuler il n’ y a rien à dire». Alors que le Ministre disait que «le gouvernement a décidé de lutter contre la torture». Quelques observations là aussi, on dirait que le Ministre désigne un autre pays que le Maroc. Nous ignorons où, comment et pourquoi, son «gouvernement lutte contre la torture». Le Ministre ne dit pas un mot sur la nature de cette décision? S’agit-il d’un arrêté ministériel, un décret ministériel, une circulaire adressée aux administrations concernées par la pratique de la torture.. En suite, quelle a été la date de ladite décision du gouvernement? Si décision a eu lieu, laquelle et quels sont les moyens juridiques, matériels et humains mis à rendre celle-ci réalité? Encore faut-il décider sans avoir les moyens, y compris administratifs, d’agir? Cette décision est-elle publique ? Dans quel support officiel figure-t-elle? etc. Or, cette déclaration ministérielle, «parole de gouvernement», s’est présentée dans l’émission comme étant signe de détresse d’un naufragé rattrapé par la réalité politique du pays où le ministre a excellemment fait la démonstration d’un régime antidémocratique. On peut en conclure que, à travers le Ministre «bouche du gouvernement» (veuillez m’en excuser l’expression), c’est tout le régime qui est dénué de moyens de convaincre même dans les circonstances idéales (accueil, studio et moyens techniques de haute qualité, journaliste libre de parole, etc). L’échec est d’abord personnel du ministre, et au-delà, c’est celui du régime, de son gouvernement et de son parti réactionnaire..
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